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JEAN MARIE RIVIÈRE EST MORT

 [traduit le 10 novembre 2011]

Directeur et animateur du Paradis Latin

Bonhomme charnu en smoking Blanc

Locomotive des noctambules

Et de Paris

Premier ministre des shows de l’Alcazar et

Grand prêtre du Paradis Latin

Il est mort, il est parti,

Et les spectacles splendides

Qui furent les siens

S’en sont allés aussi…

 

Mais quand je pense à lui

De tous côtés surgissent

Des escaliers de lumières

Et sautent des coulisses,

Et tombent du plafond,

Des clowns, des femmes nues,

Des travestis, des rhinoceros debouts,

Des cerfs, des panthères,

Des jongleurs, des freaks

Et lui en chef d’orchestre

Avec tous les garcons

Qui battent la mesure avec

Des cuillères

Sur des seaux à champagne

Pendant qu’en haut un chanteur de tango,

     -   tout rond et déguisé lui en discobole

-         qui tourne bien lentement, tout en dispersant

-         des milliers de taches de lumière sur toute la salle

 Chante un tango endiablé.

 

2

 

Mon copain Dave

-         qui a découvert le show business

-         au cirque d’enfants: “Elleboog”

-         et qui a appris à jongler là

-         et qui en a fait un “numéro”

-         mais qui ne trouvait pas que son nom:

-         David Waterman

-         était assez bien comme  nom d’artiste:

-         a donc choisi un autre nom de stylo:

-         celui de Dave Parker

Mon copain Dave lui, il travaillait au Crazy Horse,

Parmis ces dames qui se déshabillaient,

Il me disait que tous les soirs

Après le spectacle

Il répétait jusqu’au matin

Jean Marie

En essayant à chaque fois

De nouvelles idées et de nouvelles trouvailles...

 

Il fît apparaître

La plus belle fille de la Hollande

En panthère rugissante

En lui faisant tourner des fesses

D’un blanc de lait éclatant

D’un érotisme bien bandant

Et c’est ainsi qu’il fît d’elle

Le “hottest item’ in Paris

 

Il fabriquait des machineries de théâtre

Avec lesquelles il faisait descendre du ciel un avion

Qui tirait sur les spectateurs

Et qui à sont tour était attaqué

Par des soldats de la première guerre mondiale

Assistés par les garçons

Qui faisaient sauter

Des bouchons de champagne

 

Où sont restées ces vedettes rayonnantes…

Sophistiquées, élégantes...

Ces atmosphères endiablées

Dans la salle et sur la scène

 

3

 Le Paradis Latin d'aujourdhui

 

“Where are you from?”

Demande le présentateur

-         il est en smoking blanc

“From North Carolina”

Répond la ménagère

Et l’homme dit:

“Oh lala [ clin d’oeuil], are you alone!”

La salles’esclaffe.

 

Je suis assis tout seul

Et je vois mon propre jeux d’ombres

Pendant que du ciel

Descend une boîte de bonbons

Dont sort une Noire, blanchie de poudre

Qui [toute honte bue ]

Commence à assassiner

Josephine Baker

Dans une imitation accablante..

 

Jean Marie, pourquoi

Ne les jettes-tu pas dehors,

Ou bien, pourquoi ne laisses-tu pas jouer

cette ménagère par un travestis

Et ces faux accents du présentateur

Pourquoi ne les couvres-tu pas

Avec de la musique tintamarrante?

Que ne le fais-tu descendre par cet avion

Ou bien laisse-le disparaître par le plafond

En se tortillant avec une corde au cou

Ou bien fais exploser toute la scène

 

Et quand la fumée se dispersera

Et quand l’orchestre jouera une dernière fois

Une “touche” triomphante…

Tu seras là…

Dans ton smoking Blanc

Dont le pantalon brûle

Dont les revers fument

Avec tes yeux qui pêtent le feu

Et tes joues elles seront rouges d’excitation

Et tu seras heureux de cet effet tonitruant

 

Digne de toi!

 

 

 

LA TRAVERSÉE DEPARIS    le 12 novembre 2011

 

 

Catherine, c’est mon guide au rire étincelant

C’est elle qui m’a dévoilée les secrets du “velib” à Paris

Je l’ai suivie

-elle se tenait

-toute droite sur sa bicyclette

À travers Paris

– en partant des Grands Boulevards

Et à travers ma vie.

 

Revoir Paris c’est douloureux

Mais pas aujourd’hui

À vélo je survole tout

Les sillons que creusent nos roues

Et qu’autrefois j’ai creusé

Ne sont que des égratignures

Sur ses vieilles pierres.

 

Là le Palais Royal.

Que de souvenirs..

Là aussi j’ai chanté

Dans un restaurant à la mode

Mais les modes ont changées

Et “que sont mes amis devenus

Que j’avais de si près tenus

Et tant aimés.”[Rutebeuf]

 

Moi, un des derniers survivants

Des cabarets de Saint Germain dès Prés

Je passe par la rue Jacob

À la Rôtisserie de L’Abbaye

Avec Jean Ferrat

À l’Echelle de Jacob

Avec Jacques Brel

Et René Louis Lafforgue

Et tant d’autres qui n’ont pas atteint

La célébrité

Puis à l’Ecluse

Avec Barbara

Là où maintenant j’écris ce poème

Parceque c’est devenu un Bar à Vins

L’Abbaye: un club de jazz

L’Echelle: un bar-lounge.

 

À la rue de l’Hirondelle

Au coin de la rue Gît le Coeur où j’habitais

-chambre donnant sur cour,

-toilette Turque dans le couloir

-et en dessous le Caveau de la Bolée

-où on chantait des chansons paillardes

-en buvant du cidre-

Le caveau est devenu un bar érotique: La Venus Noire

Là où autrefois François Villon buvait des coups

Avec ses copains.

 

Au fond rien n’a changé

Tout est éphémère

On ne fait que passer

La ville comme un ogre

Vous avale et puis vous crache dehors

 

Pourtant il y a des choses qui restent

Toutes ces vieilles pierres

Meme si on change les dévantures

Et qu’on en fait des crêperies et des restos à shoarma.

 

Je suis hilare et jubilant

Le vélo me donne des ailes

Je suis libre et détaché

Et je chante mes chansons d’antan

Tout en suivant Catherine mon guide

Au rire étincelant

Aux cheveux noirs

Au dos tout droit

Je ne sais pas où on va

Je ne sais pas où ce voyage finira

Et je m’en fous

 

Je plane.